« Apprenez à faire des enquêtes terrain » : c’est le conseil donné par Joseph Vrézil, expert et formateur chez Secafi, aux représentants du personnel qui s’interrogent sur leurs missions à l’occasion du passage des CE-CHSCT au CSE. Interview vidéo et explications.
Dans une intervention ciblée sur la prévention en matière de santé au travail, le mercredi 19 septembre, devant des représentants du personnel au salonsCE de Paris, Joseph Vrézil, formateur et expert chez Secafi, a insisté sur l’importance pour les élus du CHSCT et, maintenant du CSE (comité social et économique), de conduire des enquêtes auprès des salariés sur les conditions de travail dans leur entreprise, et de faire connaître leurs résultats parmi le personnel (► voir son interview vidéo et ses réponses à nos 5 questions ci-dessus). Il a ainsi rappelé que les élus pouvaient mener 4 inspections par an, au minimum, en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail.
Cet expert, qui réalise des missions portant à la fois sur des cas de danger grave et sur des projets d’aménagement ou de réorganisation pouvant avoir des impacts sur les conditions de travail et la santé des personnels, n’est pas loin d’estimer que les élus, parfois déboussolés par le passage au CSE, ont souvent une approche trop juridique quant à leur rôle.
Certes, dit-il, le comité social et économique (CSE) va s’imposer dans toutes les entreprises, avec à la clé une réduction fréquente du nombre d’élus, ce qui peut être préjudiciable si des représentants du personnel expérimentés en matière d’accidents de travail et de conditions de travail passent à la trappe. Il ne faut pas non plus oublier, précise-t-il, que les commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) ne s’imposent dans les entreprises (sauf dans celles ayant des sites sensibles type Seveso) qu’à partir de 300 salariés, et que le nombre de leurs membres est très faible (3 membres dont un représentant du collège cadres).

Il est donc plus qu'intéressant, note-t-il, de tenter de négocier la création d'une commission en deçà de cet effectif, ainsi que, de façon générale, des élus et des heures de délégation supplémentaires, sans oublier la prise en charge totale par l'employeur d'expertises normalement co-financées par le CSE (par exemple pour l'expertise en cas de projet important) ou encore la formation des suppléants, sans oublier la présence de représentants de proximité, dont il faut penser en amont le rôle et la répartition géographique.
Mais sur ces points, rien n'est acquis car c'est l’employeur qui garde la main. Autant dire que les représentants du personnel doivent anticiper le passage en CSE pour tenter d'en mesurer les impacts pour l'entreprise quant à l'organisation de la représentation du personnel et à sa future capacité d'agir en faveur de meilleures conditions de travail.
Les représentants du personnel ne doivent pas non plus perdre de vue que cette CSSCT, présidée par l’employeur, n’est pas un CHSCT bis. « La commission peut certes se voir déléguer certaines attributions du CSE mais pas celles qui relèvent du rendu d’un avis ou de la décision de lancer une expertise. Les membres de la commission peuvent en revanche préparer une sorte de pré-avis pour le CSE et ils ont un rôle déterminant pour mener des enquêtes», soutient Joseph Vrézil.

L’expert souligne que la formation des élus n’est pas modifiée, et l’on peut même parler sur ce point d'un progrès. En effet, tous les élus du CSE, et pas seulement ceux qui font partie des commissions SSCT, ont droit à une formation sur la santé, sécurité et conditions de travail, d’une durée de 5 jours pour les élus appartenant à des entreprises de plus de 300 salariés, et d’une durée de 3 jours pour les entreprises de moins de 300 salariés. « Si vous négociez la présence de représentants de proximité, demandez à ce qu’ils bénéficient aussi de cette formation », suggèree Joseph Vrézil. Cette formation, précise encore ce dernier, doit permettre aux élus de développer leur aptitude à déceler et à mesurer les risques professionnels et à les initier aux procédés à mettre en oeuvre pour prévenir ces risques et améliorer les conditions de travail.
De façon générale, l’expert suggère aussi aux élus du CSE de ne pas attendre que leur direction leur demande un avis sur un projet pour en délivrer un, d’avis, si un sujet les préoccupe. Et, quel que soit le sujet, l’avis gagnera à être très motivé, explique le formateur qui conseille de mentionner la façon dont la représentation du personnel a été informée d’un projet, des risques associés à ce projet, de rappeler les questions complémentaires posées par ce dossier et parfois restées sans réponse. « Si vous formulez un avis très motivé, la direction sera dans l’obligation de vous adresser des réponses très précises », note l’expert.
Ce dernier alerte également les élus au sujet du programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail (« Papract »). « La direction doit chaque année concevoir ce programme, le mettre en œuvre, et l’évaluer afin de l’améliorer pour l’année suivante. Vous devez, à l’occasion de la consultation sociale annuelle, rendre un avis très précis sur ce programme. Il vous faut donc analyser les risques professionnels, et donc conduire des enquêtes auprès des salariés pour connaître la réalité des situations. Il vous faut construire un réseau auprès des salariés pour avoir des remontées du terrain. C’est comme cela que vous gagnerez la confiance et l’estime des salariés et que vous pèserez face à la direction ».
On pourrait ajouter qu'est résumé là tout le dilemme auquel sont confrontés les représentants du personnel avec les ordonnances Macron et l'instauration obligatoire du CSE : rester légitimes aux yeux des salariés tout en devant assumer, en étant moins nombreux, de nombreuses missions qui risquent de les éloigner des mêmes salariés !
Une méthodologie pour mener l'enquête
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Les représentants du personnel, à commencer par les membres des commissions CSSCT, peuvent mener un travail d'enquête auprès des salariés pour analyser une situation accidentelle au travail, une situation grave ou encore l'effet potentiel d'un projet d'organisation. L'expert de Secafi a insisté sur le fait que ce travail constituait la base d'un savoir-faire à acquérir pour les élus se spécialisant ou agissant dans le domaine de la santé au travail. Il a résumé, dans le document suivant (AT-MP : accidents du travail, maladies professionnelles) à quoi pouvait ressembler cette méthodologie : |
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
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